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Neymar n’aimait pas Paris. C’était si évident que cette ville n’avait rien qui pût l’enchanter qu’il se demandait comment il avait fait pour se retrouver là. C’était d’autant plus ridicule qu’il se plaisait à Barcelone, ville de soleil, où l’on ne parlait certes pas brésilien mais tout de même espagnol, langue cousine de la sienne. De plus, le palmarès et les perspectives étaient bien meilleures au F.C. Barcelone qu’au Paris-Saint-Germain.
Dans la capitale française, les gens se prenaient incroyablement au sérieux, se stressaient pour rien, avaient tous peur les uns des autres. Au club, où on aurait dû se sentir comme dans une famille, chacun semblait penser à son histoire et à son image plutôt qu’à l’histoire de l’équipe qu’ils étaient censé constituer. Certes, les joueurs jouaient, certains bossaient à l’entraînement, et, même s’il avait échoué avec lui ces dernières années, le PSG arriverait peut-être à remporter la Ligue des champions. Disons que c’était l’objectif.
Mais au fond, en dehors du contrat professionnel, tout le monde s’en foutait. Ibrahimovitch, Thiago Silva, Cavani avant eux, Messi maintenant, étaient comme lui : Paris n’était pas leur problème. Ils n’avaient aucun lien avec cette ville. Même les deux ou trois Français de la bande n’étaient pas d’ici. Ils partiraient dès que possible. Seul Mbappé, de Bondy, pouvait à la rigueur se sentir Parisien. Même les supporters, des hordes de voyous qui vivaient en banlieue, on ne les sentait pas. Il n’y avait pas de lieu, pas de quartiers où aurait pu se matérialiser un minimum de communion entre le peuple et les joueurs. Non. Il n’y avait que des réceptions de luxe, pas désagréables, mais où l’on ne pouvait jamais se lâcher, chacun jouait un rôle, ils étaient tous des produits qu’on venait admirer et qu’on maniait avec précaution.
Était-ce l’argent qui l’avait fait venir ici ? Peut-être. Il se rendait compte maintenant combien c’était dérisoire. D’abord, l’argent du transfert, 222 millions, le plus gros de tous les temps jusqu’à ce que le record soit battu deux ans après, il n’était pas pour lui mais pour le F.C. Barcelone. Ensuite, son salaire avait augmenté, et même beaucoup, passant 1,7 à 3 millions par mois, mais est-ce que ça le rendait plus heureux ? Après les impôts, il lui restait 1,5 million. Qu’est-ce qu’on pouvait bien foutre avec 1,5 million par mois ? Avec cette somme au Brésil, on faisait vivre 2000 personnes…
Il fallait que ça cesse. Il n’allait même pas attendre la Ligue des Champions. Il l’avait déjà gagnée, en plus, avec Barcelone. Qu’est-ce que ça changeait de gagner 8 matchs au lieu de 7 ? Il en avait sa claque de tout ce cirque. Il retournerait à Barcelone, peu importe le salaire, et si Barcelone ne voulait plus de lui, il rentrerait au Brésil et jouerait au foot sur sa terre natale. Être sélectionné encore quelquefois dans l’équipe nationale suffirait à son besoin de reconnaissance. Après chaque match du week-end, il ferait un bon repas en famille, irait boire quelques bières avec des amis, et le lundi il reprendrait l’entraînement, tranquille.
Il appela son agent. Et lui demanda de convoquer la presse pour le lendemain matin à 11 heures dans un hôtel. L’agent demanda quelques explications, ne les obtint pas, mais s’exécuta. En fin d’après-midi, Neymar demanda à être reçu par l’entraîneur, à qui il fit part de sa décision. Le coach abasourdi implora, pour lui comme pour le club, qu’il attende au moins la fin de la saison, mais ne put le faire fléchir. Le soir, Neymar appela le président du club. Celui-ci s’invita au domicile du joueur, supplia, menaça, temporisa, mais ne parvint pas non plus à le faire revenir sur sa décision. Un des arguments de Neymar était le suivant :
– Je ne suis pas en paix avec moi-même. Dieu me demande de reprendre le contrôle de ma vie.
Tout Qatari qu’il était, le président trouva que Dieu avait bon dos et que l’égocentrisme ne manquait pas de sel.
Il y avait peut-être bien une autre raison à ce coup de tête, raison que Neymar ne s’avoua même pas à lui-même : Messi et Mbappé, vainqueur, finaliste et héros de la dernière Coupe du monde, lui avaient volé la vedette. Il trouvait que l’un et l’autre avaient juste eu plus de chance que lui – des penaltys à tirer, de super-coéquipiers, un tirage plus favorable –, mais le résultat était là : on se souviendrait de Messi et Mbappé lors de la Coupe du monde au Qatar, pas de Neymar. Et depuis leur retour au club, il n’y en avait que pour eux. Difficilement supportable. C’était à peine pensable, mais c’était vrai : lui qui avait été, avec Cristiano Ronaldo peut-être, le joueur de foot le plus célèbre au monde, était relégué au 3e rang dans une équipe de merde.
Dans les salons du Ritz, un jeudi à 11 heures, Neymar annonça donc sous les yeux des journalistes ébahis qu’il ne se sentait pas en paix avec lui-même au PSG et qu’il quittait le club, avec effet immédiat. Quand on lui demanda s’il ne se trouvait pas ingrat de ne pas aller au bout d’un contrat avec un club qui lui avait consenti un pont d’or, il répondit qu’il payerait toutes les indemnités prévues, et que le club serait doublement gagnant : de l’avoir fait venir et de l’avoir laissé partir. Quand on lui demanda s’il avait pensé à ses équipiers, il répondit qu’il libérait une place et qu’il ferait plus d’heureux que de malheureux. Quand on lui demanda s’il avait pensé aux supporters, il répondit que oui précisément, il avait des supporters en d’autres endroits de la planète, et il voulait les trouver ou les retrouver eux aussi.
À 13 heures, la nouvelle faisait le tour d’Europe et surprenait les Sud-Américains au réveil. Toute la journée, les chaînes et les réseaux parlèrent d’un événement majeur, qui pouvait changer le monde du football. À 19 heures, le président du F.C. Barcelone intervint pour dire que Neymar était bienvenu dans un club où tout le monde le regrettait. À 21 heures, le président du club brésilien de Santos rappela que Neymar était ici chez lui et que la ville, ainsi que l’État de Sao Paulo et le Brésil tout entier, attendaient l’enfant du pays, pour jouer au football dans l’environnement qui était le sien.
À 23 heures, Neymar se couchait, heureux, certain d’avoir pris la bonne décision.
3 ans après, en 2026, le PSG n’a toujours pas gagné la Ligue des Champions, mais il ne l’aurait pas gagné davantage avec Neymar. Le F.C. Barcelone a gagné une autre Ligue des Champions, avec Neymar, mais il l’aurait peut-être gagnée sans lui. De retour dans le club de Santos où il avait effectué ses débuts professionnels en 2009, Neymar da Silva Santos Junior, dit Neymar, termine apaisé sa carrière de joueur de futebol.
Foutu futebol,
sphère peu saine portant le business avant le sport !
N’en déplaise aux fouteux !
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Foutus Footeux, bien dit, Nicole.
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J’en ai marre. Neymar.
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Bien vu, Seb.
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