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Ça devient insupportable. Chaque semaine, quand c’est pas chaque jour, on vient s’aligner en rangs pour se faire dézinguer. On est les quilles du bowling ! C’est quoi ce pays qui autorise les gens à balancer des boules de pétanque sur les policiers, à qui on interdit de riposter, et qui quoi qu’ils fassent sont considérés par les journalistes et les bien-pensants comme responsables des violences ? Non mais ça va pas bien ? 441 policiers blessés le 23 mars 2023 au soir ! Non mais vous êtes devenus malades, les Français ? Vous voulez retourner à l’état sauvage : obéir à rien, rien foutre, rien respecter ? Oh : c’est ce que vous voulez, bande d’imbéciles ?
Si vous voulez tuer le pays, on n’y peut rien. Quand quelqu’un veut se suicider, il finit toujours par y arriver. Par contre, vous oubliez que nous les policiers, on est des êtres humains. Et qu’on n’a pas envie de se laisser assassiner sans rien faire. Je me demande d’ailleurs comment on a tenu jusque-là. Faut voir ce qu’on encaisse depuis 5 ans… Incroyable. Certes, on a obtenu des primes, les ministres nous bichonnent, mais humainement c’est plus possible. Je me demande comment aucun collègue n’a encore pris son arme de service et ses chargeurs pour montrer aux manifestants les conséquences de leurs provocations haineuses à notre égard. Mais ça va arriver, obligé. Un jour, un collègue qui aura reçu un œuf de trop, une pierre de trop, ou même une insulte de trop, il va craquer. Il va faire un carton. Et s’il n’y en a qu’un, on aura de la chance. 5 ans d’humiliations, c’est trop. Même les poilus de la Garde du Roi de Buckingham ne tiendraient pas aussi longtemps.
Les choses ont commencé à déraper sous Hollande, avec les manifestations contre la loi El Khomri en 2016. On est devenus suspects. Parce que l’éducation fout le camp, parce qu’on ne respecte plus ni le maître ni l’uniforme, mais aussi à cause de tous ces connards qui se sont mis à poster des vidéos de manifs sur les réseaux sociaux, en présentant systématiquement l’intervention de la police comme une attaque, alors qu’elle est toujours une défense. Quand on coupe le début d’une bagarre, bien sûr ça change tout. Les politiciens et les médias ont repris ça, pour nous accuser, dénonçant les violences policières… Comme si du jour au lendemain la police française avait décidé de devenir violente… Oui, ça nous amuse, de casser du manifestant, on n’a que ça à faire, on est formé pour ça, on a des instructions… C’est nous qui décidons d’aller briser des vitrines, de brûler des bagnoles, de bloquer la circulation…
Après, y’a eu la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, bon là c’était localisé, mais tous les collègues qui y ont été sont rentrés avec la même impression : il y avait là-bas de vrais méchants, des mecs qui vivaient hors-la-loi depuis des années sur des terrains qui ne leur appartenaient pas et qui se battaient comme des chiens pour continuer à squatter. Pour les déloger, il a fallu deux fois leurs effectifs… Maintenant, on retrouve ces sales gens contre les bassines d’eau, à Sainte-Soline. « Des activistes violents », comme on dit, des « écoterroristes ». Des gens de mauvaise foi en tout cas, qui s’opposent par la violence à une mesure intelligente, garder l’eau de l’hiver, qui va exactement dans le sens de leurs idées. Pour peu qu’ils soient capables d’avoir des idées… Oui mais voilà, cette idée, ce n’est pas eux qui l’ont eue, ce sont des agriculteurs, affreux capitalistes, qui essayent de s’en sortir comme ils peuvent. Alors ces écolos nous tirent dessus et brûlent nos véhicules.
Le rapport de forces s’est définitivement inversé avec ces salopards de « Gilets jaunes ». Non seulement ils étaient des centaines de milliers, dans toute la France pendant des mois, non seulement beaucoup étaient violents, et encourageaient la violence, mais en plus ils étaient encensés par l’opinion ! Parce qu’ils se faisaient passer pour des malheureux. On rêve ! C’était rien que des petits bourgeois. Les gens dans la misère, ils se comportent pas du tout comme ça, j’en côtoie assez pour le savoir. Là, faut voir les bagnoles dans lesquelles ils arrivaient. Et c’était pas des jeunes, à qui on aurait pu pardonner certains excès, non, c’était des vieux. Blancs. Des branleurs de 50 ans, des retraités de 60. Des femmes aussi, pareil. Celles et ceux qu’on retrouve aujourd’hui contre la réforme des retraites. Faut voir la méchanceté de ces gauchistes qui ont deux fois plus de fric et deux fois moins de travail que n’importe quel commerçant, artisan, ouvrier, intérimaire, vendeuse, serveuse, femme de ménage… Le constat est étonnant mais sans appel : il y a dans ce pays des millions de petits blancs d’apparence bien sous tous rapports – petits fonctionnaires, petits retraités, petits bourgeois – qui se transforment en bêtes furieuses dès qu’ils sont en groupe avec leurs semblables et qu’ils peuvent casser du flic en toute impunité. Ils sont d’autant plus violents qu’ils savent qu’ils se comportent comme des égoïstes dans leur vie de tous les jours. La lâcheté personnifiée.
En 2019-2020, première tentative de réforme des retraites de Macron, sauvée par le Covid, on sortait à peine des gilets jaunes, et ça a recommencé. Grèves, manifs, mais aussi blocages, cassages, insultes, mensonges. Ce qui me débecte, c’est quand j’entends « La manifestation était pacifique jusqu’à l’arrivée des black blocs ». D’accord, ce sont des affreux, les black blocs. L’ultra-gauche, comme on dit. Des mecs, étudiants souvent, tellement lâches qu’ils planquent leur visage dans des cagoules pour pas qu’on les reconnaisse quand ils frappent. Faut voir ce qu’on trouve sur eux quand on les interpelle : des marteaux, des haches, des couteaux… Mais au moins ils sont cash sur leurs objectifs : détruire tout ce qui représente l’État et le capitalisme, c’est-à-dire les bâtiments publics, les banques, les sièges des grandes entreprises, et nous, les flics. Des demeurés qui croient que ça irait mieux sans ordre et sans travail… parce qu’ils profitent de l’ordre et du travail des autres.
Donc eux, on sait à qui on à affaire. Des délinquants, ça se gère. Où ça se complique, c’est quand les rouges et surtout les jaunes se mettent à nous empêcher de cerner ces noirs. Parce que c’est ça maintenant qui se passe, il y a une sorte de répartition des tâches : les rouges organisent les manifs, les jaunes viennent foutre le bordel (provocation avec des insultes, changement d’itinéraires, sit-in, taggages, saccages du mobilier urbain…), et les noirs viennent finir le boulot. « Un certain nombre de gilets jaunes a viré black bloc. Il y a une porosité qui existe, parfois même une complicité entre certains gilets jaunes et le black block en tant que tel ». C’est un universitaire spécialiste des mouvements sociaux qui le dit, preuves à l’appui. Nous, on peut le prouver à chaque manif. J’ai vu les applaudissements quand la vitrine du magasin Hugo Boss a volé en éclats sur les Champs Elysées, les vivas quand le Fouquets a été incendié, les encouragements quand ils ont forcé l’entrée d’un Ministère avec un transpalette… « Ce qui change aujourd’hui, dit le secrétaire nationale de SGP Police, c’est que le manifestant lambda ne se désolidarise pas. Si on n’avait que des black blocs, on aurait réglé le problème depuis longtemps ».
Mais ce qui est utilisé le plus souvent par les manifestants, c’est le bouchon, l’arrêt, le blocage d’une rue. Ils se mettent entre nous et les black blocs. Donc si on veut empêcher les cagoules noires de casser, on est obligé de pousser les manifestants. Et alors ils gueulent, ils nous castagnent aussi, et bien sûr ils font des images pour dire qu’on les empêche de manifester et dénoncer les « violences policières ». La bonne blague… Comme si on avait envie d’être violent… Comme si on ne préférerait pas être ailleurs, faire un vrai boulot de flic. Au lieu de quoi on regarde impuissants des mecs enlever leur gilet jaune pour devenir black bloc un moment et puis le remettre ensuite. Et tous les manifestants approuver, de plus en plus ouvertement.
Bon, mais les pires de tous, à mon avis, ce sont les journalistes. Ça, c’est des fumiers de première classe ! Avec leurs médias, ils ont un pouvoir démesuré, dont ils abusent au maximum. La vérité ne les intéresse pas une seconde. Ils connaissent rien au truc et ils viennent pour démontrer leur idée préconçue, à savoir que la France est un pays répressif (on se pince…). La plupart sont des enfants de bonne famille, y’a pas mal de femmes maintenant, de jolies gonzesses d’ailleurs, et ces petites putes pointent leur micro ou leur mini-caméra là où on est obligé d’avancer pour disperser, de charger pour se désencercler, ou de sortir la matraque pour éviter de se faire amocher. Ils te montent ça vite fait ensuite, et ils te sortent un soi-disant reportage sur Twitter, France Inter et BFM. Regardez ce que font les flics, si c’est pas scandaleux, etc. Jamais une présentation objective du contexte, jamais une chronologie de la manifestation, jamais un respect de l’enchainement des faits. Pourquoi sont-ils si malhonnêtes ? Qui leur a lessivé le cerveau ainsi ? Quelles frustrations expriment-ils en étant si mauvais ? Ils auraient voulu être des décideurs et ils n’y sont pas arrivés, alors ils se vengent, c’est ça ?
Ces fouille-merde, ils tiendraient pas 10 minutes devant les insultes, les crachats, les œufs, les pierres, l’urine, les crottes de chien, la peinture, les pierres, les boules de pétanque, qu’on prend sur la figure… Pas 10 minutes. Ils ne font rien, ils ne subissent rien, ils ont tous les pouvoirs, et ils prétendent savoir. Nous on tient depuis 5 ans – pas un seul mort je le rappelle, alors que des dizaines de milliers de personnes nous agressent à chaque manif –, et au lieu de nous soutenir et de nous féliciter, ils nous considèrent comme responsables des violences ! Invraisemblable.
Le pire du pire, c’est que nous, policiers, n’avons pas le droit de diffuser dans les médias les images que nous réalisons ! En 2021, sous la pression de la gauche et des journalistes, le Conseil constitutionnel a en effet censuré un article de la loi sur la Sécurité globale qui aurait permis à la police de rétablir l’équilibre dans l’information. Mais non. Censurée la loi, « afin de ne pas alimenter une guerre des images ». Moyennant quoi, il n’y a dans les médias que les images des antiflics ! N’importe qui peut filmer un policier avec son téléphone et publier ça dans les médias – c’est la loi –, mais les flics eux n’ont pas le droit de montrer ce qui s’est passé depuis le début d’une manifestation ! On peut filmer, mais on n’a pas le droit de diffuser ! Pays de tarés…
On n’a plus le droit non plus de « nasser ». La technique de la nasse, qui consiste à isoler une foule pour l’empêcher de nuire, ne peut être utilisée que lorsque c’est un groupe violent qui est visé. Mais comme les violents se mélangent aux autres et que les autres sont complices des violents, comment on fait ? Eh bien on laisse faire, et on se fait caillasser. Les grenades de désencerclement et les LBD (lanceurs de balle de défense) font encore partie du SNMO (schéma national du maintien de l’ordre), mais on nous a demandé en interne de ne plus les utiliser qu’en dernier recours. Début mars, un collègue qui en a utilisé une pour se dégager face à six types qui voulaient le coincer s’est choppé un avertissement ! Allez-y, frappez les flics, ils n’ont plus le droit de se défendre ! D’autant que les petits malins de l’informatique arriveront bientôt à nous identifier avec nos 7 chiffres du RIO (Référentiel des Identités et de l’Organisation) ; sous peu, c’est à la maison qu’on va venir nous dégommer. Avant que Midjourney et ChatGPT fabriquent puis propagent des gestes que nous n’avons jamais eus, fabriquent puis propagent des propos que nous n’avons jamais tenus.
Voilà comment le métier est devenu impossible. Alors que nous respectons toujours le principe de l’emploi de la force seulement quand elle est « nécessaire, de manière proportionnée et graduée », principe européen repris par les codes juridiques français, on nous empêche de proportionner, justement. L’augmentation de la violence des manifestants est spectaculaire, mais on doit se comporter comme si on avait affaire à des familles en promenade le dimanche.
Alors, c’est bon. Je suis entré dans la police pour poursuivre les bandits et les voyous, pas pour me faire maltraiter chaque fin de semaine par des petits planqués qui veulent toujours plus de privilèges. J’ai grandi dans un quartier sensible comme on dit, et j’ai vu combien quelques mauvaises personnes pouvaient pourrir la vie de tout le monde. Être flic pour moi, c’était permettre aux gens de vivre tranquilles sans être emmerdés. Mais maintenant, ce sont les gens qui ont tout qui viennent foutre le bordel. Je ne dois plus arrêter des voyous, je dois me protéger contre des gens qui a priori n’ont rien de voyous ! On est chez les fous, je vous dis ! Ça n’a plus de sens.
Je vais arrêter. Démissionner. J’ai 40 ans, j’ai pas envie de passer le reste de ma carrière à me faire insulter par les 3/4 du pays. Si les gens veulent plus de policiers, très bien, qu’ils se démerdent. D’ailleurs je pense qu’on devrait laisser les manifestations se dérouler sans policiers. Aucun. Les flics sont méchants, vous n’en voulez plus ? Très bien. Manifestez sans flics. Comme ça on se ferait pas taper dessus, et les gens verraient ce que ça donne, si c’est mieux ou moins bien. Ça responsabiliserait tout le monde. Ce serait un bon test. La prochaine manif en tout cas, ce sera sans moi.
Mais il faut d’abord que je sorte vivant de celle-là. On est au bas des Champs Elysées, à touche-touche avec des milliers de drapeaux rouges qui veulent remonter l’avenue alors qu’ils n’ont été autorisés que jusqu’à la Concorde. Plus les minutes passent, plus les visages sont haineux, plus les propos sont violents. Et – comme c’est bizarre –, je vois de plus en plus de gilets jaunes. Quelques dizaines de minutes encore et les cagoules noires vont débarquer (en fait elles sont déjà là, mais pas encore enfilées sur les têtes). Tiens, au bas des jardins, près du Cours de la Reine, j’en aperçois qui s’équipent. On ne pourrait pas les interpeler, là ? Non, interdit. Et même quand ils auront commencé à nous caillasser, il ne faudra pas bouger. Sinon, gare aux images…
C’était un samedi après-midi comme les autres, dans une France en perdition.
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Un peu manichéen tout ça, non?
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Je ne crois pas, même si la nouvelle est ici un « point de vue ». Il me semble cependant qu’elle rétablit un équilibre, tout au moins qu’elle rappelle quelques vérités. Merci en tout cas.
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Vous écrivez ce que beaucoup de gens pensent mais n’osent pas dire.Pourtant les faits sont là. Merci
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Il a raison. C’est quoi cette manie de tout mettre sur le dos des flics ? Un jour ils vont en avoir marre de se faire caillasser et en plus accuser. Bien dit monsieur l’écrivain !
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